APR Sélune : Les projets de recherche 2019-2021 sélectionnés
Dans le cadre de l’appel à projet diffusé en septembre 2018, 11 projets ont été proposés. Suite à leur examen par le conseil scientifique et le comité de pilotage du programme Sélune, 5 ont été retenus pour financement.
Ci-dessous, le titre de ces projets ainsi qu’un résumé pour chacun d’eux :
Projet 1 : Restauration des écosystèmes suite à une suppression de barrages : approche fonctionnelle des interactions entre zones aquatique et riveraine (coordinateurs : Christophe Piscart – UMR ECOBIO ; et Simon Dufour – UMR LETG)
Historiquement, les relations entre les écosystèmes aquatiques et terrestres ont été abordées dans le sens de l’écoulement naturel, de l’amont vers l’aval : mouvements des nutriments, de matière et d’énergie provenant de la partie terrestre du bassin versant vers le compartiment aquatique. Plus récemment, le milieu aquatique n’a plus été considéré comme un simple réceptacle, mais comme un milieu interagissant avec le milieu terrestre. Or ces interactions représentent un angle mort des recherches en écologie de la restauration des systèmes fluviaux. L’objectif de ce projet est d’amorcer l’analyse des néo-habitats issus de la restauration de la Sélune en se concentrant sur les interactions terrestre/Aquatique au niveau des interfaces riveraines et du rôle spécifique de ces interactions dans le processus de restauration. De fait, la restauration des connectivités sera analysée sous le double angle du fonctionnement biogéomorphologique du corridor fluvial et du fonctionnement des réseaux trophiques (aquatique et terrestres). L’analyse des interactions entre zone aquatique et zone riveraine en contexte de restauration représente une opportunité scientifique unique de compréhension des mécanismes écologiques qui sous-tendent non seulement les processus de restauration, mais aussi du fonctionnement global des milieux aquatiques.
Projet 2 : Reconfiguration des collectifs et projet de territoire. La Sélune après les barrages (coordinateur : Marie-Anne Germaine – UMR LAVUE)
A la suite de la réalisation d’un état initial rendant compte de la controverse liée au projet d’effacement des barrages de la Sélune, ce projet vise à suivre la reconfiguration des collectifs d’acteurs au moment où la vallée entre dans une phase de transition devant déboucher sur un projet « exemplaire ». Il s’agit d’abord (A) d’analyser à l’échelon local le processus de construction d’un nouveau projet de territoire en suivant la transformation des collectifs existants déjà enquêtés avant travaux mais aussi l’émergence de collectifs géographiquement proches (Baie) ou l’éventuelle mobilisation locale de collectifs extérieurs en faveur du démantèlement des barrages. Nous proposons en particulier d’enquêter le rôle des collectifs existants dans la partie aval de la vallée, l’emblématique baie du Mont Saint-Michel, jusque-là peu enquêtée mais qui abrite des acteurs qui pourraient s’investir dans cette opération. La place de cette opération d’ampleur inédite sera également analysée à l’échelle nationale et internationale (B). Il s’agit à la fois de voir comment les réseaux (Dam removal Europe, ERN, Hydrauxois) agissant à des échelles plus larges pèsent sur la définition d’un projet local et inversement comment l’exemple de la Sélune alimente le débat national sur la restauration écologique des cours d’eau. Enfin (C), nous proposons de mettre en perspective le cas de la Sélune avec des démantèlements et réaménagements de barrages de dimensions comparables en France (Poutès) et aux Etats-Unis, où la politique d’effacement de barrages est la plus active (Kennebec, Pennobscot). Il s’agit d’apporter un éclairage sur la reconfiguration possible des jeux d’acteurs pour construire le territoire après l’arasement.
Projet 3 : LEARN : Impact de l’arasement des barrages sur les fLux hyporhéiquEs et les échanges nAppe Rivière de la SéluNe (coordinateur : Alain Crave – UMR Géosciences Rennes)
L’arasement des barrages sur la Sélune peut avoir un impact notable sur l’hydrologie et le transfert de sédiments et par là même, engendrer un décolmatage et un colmatage respectivement à l’amont et à l’aval du lit de la Sélune. Ce projet valorise cette opportunité unique en Europe pour étudier la continuité verticale et latérale des flux d’eau entre la rivière, la zone hyporhéique, les berges et la nappe souterraine. Quels sont les gradients physico-chimiques à l’interface eau/sédiment résultants : des écoulements sur et dans la matrice du lit de la rivière, des biofilms et des flux d’eau entre la rivière et la nappe sous -jacente ? Quelle est la distribution spatiale du colmatage et sa dynamique ? Quel peut être l’impact potentiel d’un colmatage de la Sélune sur la ressource en eau du Canton de Ducey ? Quel est l’impact de l’abaissement du niveau d’eau sur l’hydrogéologie du bassin versant ? Sont autant de questions fondamentales encore peu explorées et d’ordre opérationnel qui seront étudiées dans ce projet.
Une part importante du projet est consacrée à la mise en oeuvre d’une métrologie novatrice, issue des programmes de recherche nationaux et européens, pour mesurer in-situ les flux d’eau et les concentrations en gaz dissous au sein de la matrice du lit de la rivière. L’ensemble des données sera exploité pour calibrer et valider des modèles d’écoulement à différentes échelles, les processus d’oxydo-réduction et l’activité bactérienne au sein de la zone hyporhéique.
Projet 4 : Influence de l’arasement des barrages sur l’histoire de vie les espèces amphihalines thalassotoques : cas de l’anguille et du flet de la Sélune (Coordinateur : Eric Feunteun – UMR BOREA)
L’impact des barrages sur la continuité écologique est connu et largement documenté. Chez les espèces catadromes, en empêchant l’accès à l’amont, les obstacles créent des surdensités en aval induisant une forte compétition intra-spécifique ce qui peut donner lieu à une réduction de la croissance, une dégradation des conditions sanitaires et, in fine, à une baisse de la survie. Les barrages et leur mode de gestion contraignent aussi fortement la dynamique sédimentaire et les flux de nutriments avec une incidence sur la qualité des habitats de l’aval. Sur la Sélune, le démantèlement des barrages aura potentiellement deux effets sur les populations catadromes. 1) La recolonisation des habitats de l’amont devrait conduire à une diminution de la compétition intra-spécifique, une modification des traits de vie et de l’état sanitaire, en particulier des anguilles. 2) Les flux de sédiments et de nutriments seront modifiés, avec des conséquences probables sur la qualité des habitats de l’aval, notamment estuariens. On s’attend ici à une modification de la fonction de nourricerie pour les poissons estuariens générée par la restauration des flux sédimentaires. Ce projet a pour objectif de caractériser les traits de vie de deux espèces thalassotoques, l’anguille et le flet, en phase de pré-arasement afin de pouvoir quantifier par la suite l’effet de l’effacement des barrages. Le flet est principalement intégrateur des changements en aval des barrages à l’interface rivière-mer, alors que l’anguille intègre l’évolution de l’accessibilité et de la qualité des habitats de l’amont.
Projet 5 : Rôle des espèces ingénieures (Lamproies et saumons) dans la restauration des habitats aquatiques et des processus sédimentaires (coordinateurs : Anne-Julia Rollet – UMR LETG ; et Emilien Lasne – UMR ESE)
L’arasement des barrages de la Sélune va profondément modifier les écosystèmes aquatiques dans le bassin versant, d’une part en remettant à jour des secteurs lotiques dans les zones lentiques ennoyées et d‘autre part en permettant la recolonisation des secteurs amont par la faune, en particulier les poissons amphihalins. Un des principaux arguments ayant motivé la suppression des barrages de Vezin et la Roche-Qui-Boit portait d’ailleurs sur la recolonisation potentielle de la Sélune en amont des barrages, par les poissons amphihalins. Ce projet vise d’une part à identifier et caractériser les habitats de reproduction potentiels dans les parties dénoyées et leur qualité vis-à-vis des lamproies et des saumons et d‘autre part à caractériser le rôle de ces espèces dans les processus morphogènes et les flux sédimentaires. La littérature sur le sujet montre que le rôle des migrateurs sur la morphogénèse est loin d’être négligeable. Des observations dans la partie aval de la Sélune suggèrent par ailleurs que les poissons remanient le lit des cours d’eau et contribuent d’ores et déjà de façon significative à la diversité des formes fluviales sur ces secteurs, leur dynamique et par conséquence à la diversification des habitats aquatiques. La réouverture de la partie amont de la Sélune aux poissons migrateurs offre une occasion unique pour caractériser les relations poissons-géomorphologie et préciser le rôle d’espèce ingénieur de ces organismes et leur contribution à la renaturation de la Sélune.