Observatoire Sélune

Observatoire Sélune (logo)

Le programme scientifique Sélune, conduit depuis 2012, a pour objectif de fournir un retour d’expérience sur l’effacement des barrages de la Sélune. Cette opération de restauration unique en Europe nécessite un suivi environnemental sur le long terme avant, pendant et après le démantèlement. L’observatoire Sélune est chargé de mesurer divers paramètres environnementaux et de mettre à disposition les données collectées et traitées.

Objectifs

La construction d’un barrage entrave la circulation de l’eau, des sédiments et des organismes aquatiques et rivulaires, modifiant alors fortement les écosystèmes. A l’inverse, son effacement devrait restaurer leur fonctionnement naturel en rétablissant la continuité écologique entre la source, l’estuaire et l’océan.

Afin de suivre cette remise en continuité sur la Sélune, nos équipes scientifiques ont mis en place un observatoire de données environnementales : L’Observatoire Sélune. Il permettra de mesurer la dynamique selon laquelle vont se rétablir les flux, qu’ils soient hydriques, sédimentaires, chimiques ou biologiques.

L’Observatoire Sélune rend compte de la dynamique de différents paramètres environnementaux en lien avec:

Photo: A.Crave

Les conditions abiotiques

Nos équipes caractérisent les flux hydrologiques, sédimentaires fins et grossiers, et chimiques le long du fleuve Sélune.

L’objectif est de mesurer et comprendre comment ces flux et leur dynamique sont impactés par la présence des barrages (période 2014-2017), les travaux de vidange (depuis 2017), l’effacement des barrages (2019-2022) et la restauration de la continuité (à partir de 2022).

Photo: M.Druet

Les biocénoses aquatiques, estuariennes et rivulaires

L’objectif est de caractériser la démographie et l’expansion des populations de poissons migrateurs, des communautés de la partie estuarienne, d’espèces invasives comme les écrevisses et de ripisylve (végétation rivulaire, présente sur les berges). Cela permettra d’identifier les changements d’état écologique du cours d’eau en se basant notamment sur des espèces bio-indicatrices telles que les communautés de macro invertébrés benthiques, les biofilms photosynthétiques et les macrophytes.

L’Observatoire Sélune a pour mission d’assurer :

  1. La collecte de paramètres environnementaux
  2. La mise à disposition des données à l’ensemble des scientifiques impliqués dans le programme Sélune et à tous.

Paramètres suivis par l’Observatoire Sélune


Flux hydriques, chimiques et sédimentaires : vers des habitats plus accueillants ?

La présence des barrages impacte fortement les flux hydrologiques, sédimentaires fins et grossiers, et chimiques. Ces paramètres jouent cependant un rôle majeur sur la qualité des habitats pour les communautés aquatiques. De plus sur la Sélune, les travaux de démantèlement des barrages s’accompagnent d’une gestion spécifique des sédiments pour éviter un transfert massif de sédiments vers l’aval.

L’observatoire suit depuis 2014 ces flux hydriques, chimiques et sédimentaires sur plusieurs stations de suivi fixes situées à l’amont et à l’aval des (anciens) barrages.

Carte de localisation des stations fixes de suivi de l’observatoire Sélune pour l’évaluation des flux hydriques, chimiques et sédimentaires. Cliquez sur la carte pour accéder au lien du portail cartographique

Ces suivis sont réalisés à l’aide de sondes de mesure en continu et de prélèvements d’eau hebdomadaires. Ils permettent d’évaluer les variations de débit, de niveau de l’eau, ainsi que les concentrations en matières en suspension et en éléments dissous.

Afin de compléter le suivi sédimentaire, nos équipes suivent également le transport des sédiments dans la Sélune. Pour cela, différentes méthodes sont mises en place, notamment :

  • Des pièges à sédiments disposés le long du cours d’eau afin d’observer l’évolution des tailles des sables avant/après l’effacement des barrages ;
  • Le marquage de galets à l’aide de Pit tags (transpondeurs actifs) afin de suivre leur déplacement dans le cours d’eau. Ces suivis sont réalisés à l’aide d’une antenne mobile que l’on déplace manuellement en parcourant la rivière et qui détecte avec précision l’emplacement des galets marqués.

Les matières en suspension dans la Sélune: d’où proviennent-elles ?

La Sélune et ses affluents transportent beaucoup de matières en suspension (sédiments, minéraux, matière organique). Afin de comprendre le fonctionnement hydrologique de la Sélune avec et sans les barrages, il faut également connaître l’origine de ces matières. Pour cela, l’observatoire Sélune opère des campagnes d’échantillonnage le long de la Sélune et au niveau des stations de suivi des flux (voir ci-dessus). Ces campagnes d’échantillonnage s’effectuent une fois par mois et en période de crue.

L’analyse de la composition moléculaire des matières organiques ainsi prélevées permet d’identifier les sources de matières. Cette composition change en fonction des organismes vivants qui produisent la matière organique et de leur contribution (terrestre ou aquatique). L’utilisation de marqueurs moléculaires connus et spécifiques de ces contributions permettra d’identifier les sources (sols agricoles et forestiers, berges, sédiments, litières agricoles et forestières, végétaux aquatiques). Ainsi il est possible de retracer l’origine des matières transportés par le cours d’eau.


Suivi de l’état de santé de la rivière: Les bioindicateurs

L’Observatoire Sélune suit la dynamique de trois biodindicateurs sur la Sélune : Les biofilms photosynthétiques, les macroinvertébrés benthiques, et les macrophytes. Les bioindicateurs sont des espèces ou des communautés écologiques sensibles aux conditions environnementales, et dont la réponse au changement de ces conditions est rapide. Les bioindicateurs permettent d’établir des indices d’état de santé d’un système, définis par la directive cadre sur l’eau :

  • Indice IBD (Indice Biologique Diatomées) pour les biofilms photosynthétiques,
  • Indice I2M2 (Indice Invertébrés MultiMétrique) pour les macroinvertébrés benthiques,
  • Indice IBMR (Indice Biologique Macrophytique en Rivière) pour les macrophytes.

Les biofilms photosynthétiques sont composés majoritairement de diatomées benthiques, organismes situés à la base de la chaine alimentaire. Leur présence et leur richesse spécifique est donc essentielle pour la stabilité des écosystèmes. Les macro invertébrés benthiques (insectes, crustacés, mollusques, vers) forment un important maillon de la chaine alimentaire. Le suivi de ces communautés permet une visualisation rapide d’un changement de conditions environnementales. Les macrophytes sont un ensemble de plantes aquatiques. Elles se situent à la base de la chaine alimentaire et peuvent fournir un habitat à de nombreuses autres espèces.

La disparition des lacs de retenue suite à l’effacement des barrages et la remise en continuité de la Sélune crée de nouveaux habitats lotiques (c.à.d. habitats d’eau courante) dans les zones dénoyées. Le suivi de ces trois bioindicateurs permet ainsi d’observer de façon complémentaire la dynamique de restauration de la vallée.


Observation de la faune aquatique par caméra hydroacoustique

Une caméra acoustique est installée dans la Sélune à l’aval des deux barrages depuis 2013. L’hydroacoustique, utilisant les propriétés du son dans l’eau, permet d’enregistrer en continu, sans contrainte de luminosité ni de clarté de l’eau. Une partie des ondes émises par le sonar sont renvoyées par tous les objets passant dans son faisceau de détection. Il s’agit donc d’un outil d’observation non intrusif qui enregistre en continu l’activité de la faune aquatique locale au droit du site de suivi, de jour comme de nuit.

Exemple d’image enregistrée par la caméra acoustique DIDSON sur la Sélune montrant le passage d’une anguille en dévalaison. Photo DIDSON: F.Martignac

L’analyse des enregistrements nous permet :

  • De comptabiliser le passage des poissons, notamment les migrateurs ;
  • D’identifier les espèces en fonction de leur comportement, de leur morphologie ou de leurs interactions ;
  • Afin d’estimer les flux de migration et le stock de poissons présents dans le cours d’eau,
  • Et d’améliorer nos connaissances sur le fonctionnement du cours d’eau avant et après la restauration de la continuité écologique de la Sélune.

Migrateurs amphihalins : la reconquête de l’amont ?

La restauration de la continuité de la Sélune va profondément modifier la distribution des espèces piscicoles à l’échelle du bassin versant. En particulier, les poissons migrateurs amphihalins vont pouvoir à nouveau circuler et recoloniser l’amont de la Sélune jusqu’alors bloqué par la présence des barrages. Plusieurs espèces de poissons migrateurs, à fort enjeu écologique, sont actuellement présentes dans la Sélune :

Les grands migrateurs de la Sélune.
(Crédits illustration, licences CC0: Ellen Edmonson, FNPF, Timothy Knepp, Jacques Cartier – Larousse)

L’Observatoire met en place différent outils de suivi de ces espèces afin de caractériser leur présence et leur progression vers l’amont.

  • Des inventaires par pêche électrique sont effectués chaque année, sur le cours principal et dans les principaux affluents de la Sélune. Ils permettent d’établir des indices d’abondance par espèce et d’estimer le stock de poissons présents dans le cours d’eau.
  • Des suivis de frayères de lamproies marines et de saumon atlantique permettent d’identifier les zones potentielles de reproduction pour ces deux espèces diadromes (qui se nourrissent en mer et se reproduisent en rivière).
  • La mise en place d’une pêcherie scientifique pour suivre la migration des anguilles (dévalaison) en aval du cours principal de la Sélune. Les anguilles sont des espèces catadromes qui vivent en rivière et se reproduisent en mer. La pêcherie permet ainsi d’évaluer le stock d’anguilles présent et d’observer la recolonisation de la vallée de la Sélune par cette espèce protégée.
  • L’analyse de l’ADN environnemental (ADNe) présent dans l’eau. Cet outil de suivi non intrusif permet de détecter la présence d’espèces dans un milieu en identifiant l’ADN relâché sur un simple prélèvement d’eau. Il permet de cibler des espèces clés comme les poissons migrateurs mais également d’autres espèces vivant dans les cours d’eau pour suivre leur distribution.

Recolonisation des berges par la végétation rivulaire

La disparition des lacs de retenue suite à l’effacement des barrages modifie la morphologie du cours d’eau et de ses berges. Rapidement, les berges sont colonisées par la végétation. La dynamique de recolonisation des nouvelles berges par la végétation rivulaire (c.-à-d., qui vit sur les berges) fait l’objet d’un suivi particulier dans le cadre de l’observatoire. 25 stations sont annuellement suivies, en tenant compte de :

  • La diversité d’habitats (boisements, mares, ruisseaux, zones humides, versants),
  • La diversité de terrains présents sur les berges de la Sélune,
  • La mosaïque de gestion des sédiments (casiers terrestres ou subaquatiques, sédiments non remaniés).
Un des 9 quadrats (surface d'un 1m²) dans lesquels sont identifiées et comptées les espèces végétales sur chacune des stations de la Sélune
Suivi sur l’un des transects dans lesquels sont identifiées et comptées les espèces végétales sur chacune des stations de la Sélune. Photo: C.Ravot

Nos suivis permettent de déterminer la composition spécifique et le recouvrement de la végétation sur des lignes latérales perpendiculaires au cours d’eau (transects). Ces transects partent du liserai forestier jusqu’au cours d’eau.


Écrevisses signal : un risque d’invasion ?

L’écrevisse signal (Pacifastacus leniusculus) est présente sur le bassin-versant de la Sélune, mais absente dans certains affluents de la Sélune. La dissémination de cette écrevisse invasive et porteuse de la « peste de l’écrevisse » était entravée par la présence des barrages. Avec l’effacement des barrages et la disparition des lacs de retenus, de nouveaux habitats potentiels émergent.

L’observatoire suit la distribution de l’écrevisse signal tous les ans sur l’ensemble du bassin afin de déterminer leur front de colonisation. Pour cela, nous réalisons deux types de suivis complémentaires :

  • Le piégeage par nasse sur plusieurs stations afin de caractériser la population d’écrevisses,
  • L’analyse d’ADN environnemental présent dans l’eau. Cet outil de suivi non intrusif permet de détecter la présence d’espèces dans un milieu en identifiant des fragments d’ADN relâchés sur un simple prélèvement d’eau. Il permet ici de cibler la présence d’écrevisses signal et de l’aphanomycose (peste de l’écrevisse) dans le cours d’eau.

Le fonctionnement écologique de la baie du Mont Saint Michel: quels changements?

La remise en continuité de la Sélune va rétablir les flux d’éléments nutritifs et de matière organique d’origine terrestre qui étaient, jusqu’à présent, interceptés par les lacs de retenue. Cela va significativement et durablement modifier le fonctionnement écologique de la baie du Mont Saint Michel. Des travaux préliminaires réalisés dans le cadre du programme scientifique révèlent que ces habitats ont une valeur particulière en tant que nourriceries pour des espèces vivant sur le fond, notamment des poissons à fort intérêt commercial comme le bar et le flet.

L’observatoire suit ces communautés bentho-démersales (c.-à-d., vivant proche du fond) afin de comprendre comment l’écosystème « Petite Baie du Mont » est susceptible d’évoluer suite au changement de la dynamique hydro-sédimentaire de la Sélune. La prise en compte de cette partie dans l’Observatoire Sélune offre l’opportunité d’une vision plus intégratrice de l’effet de la remise en continuité de la Sélune en prenant en compte le continuum eau douce – eau de mer.

Campagne de suivi des communautés bentho-démersales de la petite baie du Mont Saint-Michel. Photo: N.Desroy

L’observatoire photographique du paysage de la Sélune

En partenariat avec le Syndicat Mixte du bassin de la Sélune, les chercheurs de l’équipe de Paris-Nanterre (thématique « dynamique du territoire ») ont mis en place un Observatoire Photographique des Paysages (OPP) du bassin de la Sélune. Ce travail a débuté en 2013 dans le cadre d’un précédent programme de recherche (ANR Reppaval).

L’observatoire photographique du Paysage permet de suivre l’évolution des paysages de la Sélune. Il s’agit de photographier plusieurs points, à pas de temps réguliers sur l’ensemble du territoire. Les clichés sont généralement pris au printemps puis à l’automne de chaque année.

Carte des différents sites de l’observatoire photographique du paysage

L’ensemble des clichés sont accessibles en ligne :


Organisation de l’Observatoire Sélune

L’Observatoire Sélune est issu d’un travail collectif. Des scientifiques issus de différents instituts de recherche (INRAE, CNRS, MNHN, Ifremer, Institut Agro Rennes) collaborent pour assurer les suivis.

Le suivi environnemental est coordonné par :

  • L’Unité Mixte de Recherche SAS, pour les paramètres abiotiques (physicochimie et géomorphologie),
  • L’Unité Expérimentale U3E, pour les biocénoses.

L’observatoire Sélune bénéficie du soutien financier de l’Agence de l’eau Seine Normandie (AESN).

Un système d’information (SI) met à disposition les données de l’Observatoire. Porté par la cellule de coordination du programme, le SI vise à aider les scientifiques associés au programme Sélune et à rendre les données accessibles à tous. En savoir plus…