La continuité sédimentaire et chimique

La continuité sédimentaire et chimique

La Sélune transporte de nombreux éléments fins ou dissous dans l’eau, qui proviennent de son bassin versant. Comment évoluent ces éléments transportés dans l’eau ? Et comment sont-ils impactés par l’effacement des barrages ?

Les sédiments transportés par l'eau : sables et limons

Les barrages avaient un impact important sur la dynamique des sédiments, avec notamment les sédiments les plus fins, ou limons, qui décantaient dans les lacs. En conséquence, l’eau à l’aval des barrages et jusqu’à Ducey était artificiellement plus claire, moins turbide, qu’à l’amont des anciens lacs de retenue. Cet effet a disparu avec l’effacement des barrages : les concentrations en sédiments fins dans l’eau sont identiques à l’amont et à l’aval des anciens lacs. L’eau à l’aval parait ainsi plus turbide sans les barrages, phénomène particulièrement perceptible lorsqu’il pleut, et que le transport de sédiments fins dans la rivière augmente naturellement. La remise en continuité sédimentaire concerne aussi les éléments les plus grossiers. Auparavant stockés dans le réservoir de Vezins, ils se dissipent vers l’aval pour se répartir progressivement, à la faveur des crues de la rivière.

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Evolution de la concentration en matières en suspension mesurées à l'amont et à l'aval des (anciens) barrages de la Sélune, avant et après l’effacement du dernier barrage.

Les éléments chimiques de l'eau : nitrates, phosphates et silices

En plus des sédiments, la remise en continuité a aussi modifié les transferts d’éléments chimiques vers l’aval. En présence des barrages, le phosphore et la silice (des éléments nutritifs importants pour l’écologie du cours d’eau et des zones marines côtières)étaient piégés dans les réservoirs où se développaient des algues microscopiques, ou phytoplancton. Sans les barrages, les mesures faites à l’amont et à l’aval des anciens lacs montrent que ces éléments redeviennent disponibles pour les écosystèmes situés à l’aval, pour la rivière et pour l’estuaire de la Sélune.

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Evolution de la concentration en phosphore total et en silice mesurées à l'amont et à l'aval des (anciens) barrages de la Sélune, avant et après l’effacement du dernier barrage.

Les concentrations en nitrates sont élevées dans l’eau de la Sélune. Cela traduit une activité agricole forte sur le bassin versant. A l’inverse du phosphore et de la silice, les barrages n’influençaient pas les valeurs moyennes de nitrates dans l’eau de la Sélune à l’aval. Le retrait des barrages n’a donc ni augmenté, ni diminué, les concentrations en nitrates mesurées à l’aval des anciens barrages. Seule la variation des nitrates en période de crue a changé. En effet, sans les barrages, les crues sont maintenant associées à des baisses de concentrations par un effet dilution, comme c’était déjà le cas à l’amont.

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Evolution de la concentration en nitrates mesurée à l'amont et à l'aval des (anciens) barrages de la Sélune, avant et après l’effacement du dernier barrage

Et le stock de sédiment présent dans les anciens lacs ? Que devient-il ?

Les travaux de vidange et de démantèlement de La-Roche-Qui-Boit a fait apparaître des banquettes de sédiments sur et près des berges à l’aval, échappés de l’ancien réservoir. La stabilisation et l’évacuation de ces sédiments se produit naturellement, notamment lors des crues de la rivière. En 2023, un an après la fin des travaux de démantèlement de La-Roche-Qui-Boit, les mesures de turbidité de l’eau en pic de crue montrent un retour à l’équilibre entre l’amont et l’aval de l’ancien barrage. Cela signifie que les dépôts de sédiment à l’aval sont résorbés ou stabilisés.

Qu'est-ce que cela implique pour la baie du Mont Saint-Michel ?

La quantité de sédiments qui est arrivée dans la baie du Mont Saint-Michel au moment de la vidange est faible par rapport à ce qui est brassé tous les jours par les marées dans cette zone. L’effet de l’effacement des barrages peut donc être considéré comme négligeable.

L’augmentation des apports en phosphates et silices en lien avec la remise en continuité de la Sélune constitue un apport nutritif supplémentaire pour les organismes aquatiques de la rivière et de l’estuaire. Ces éléments sont essentiels pour le développement de la faune et de la flore estuarienne, notamment. De plus, la baie du Mont Saint-Michel est une zone de nourricerie pour de nombreuses espèces de poissons commerciaux comme le bar et le flet, qui fréquentent également l’estuaire de la Sélune.