Recolonisation des berges par la végétation

Recolonisation des berges par la végétation

Sans les lacs de retenue, de nouvelles berges apparaissent, sonnant ainsi le retour d’une végétation nouvelle. Cette végétation est suivie depuis 2015 le long de la Sélune afin de comprendre sa rapide recolonisation et son évolution.

Des conditions favorables à une recolonisation rapide

Les sols de la vallée, déposés au fond des lacs au fil des années, sont très riches en éléments nutritifs (azote, phosphore) issus de l’érosion des sols agricoles alentours. Bien alimentés en eau et exposés à la lumière, les sols de cette vallée ont été naturellement ensemencés par une abondante production de graines diverses. Ces graines sont issues de la végétation environnante locale (végétation de ceinture de l’ancien lac, forêt de pente) mais également des paysages alentours, transportées par l’eau (ruissellement, affluents, amont du fleuve) ou par les vents.

L’ensemble de ces conditions initiales a été particulièrement favorable à un retour rapide d’une végétation nouvelle et à l’émergence de la variété floristique observée. Les suivis réalisés dans l’ancienne retenue de Vezins, indiquent deux phases majeures dans cette recolonisation végétale.

  1. D'abord de 2015 à 2018, la phase pionnière.  Les surfaces de sédiments nues, exposées progressivement au cours de la vidange ou brutalement suite aux travaux de stockage des sédiments en dehors du lit de la Sélune, ont systématiquement été rapidement colonisées par des plantes pionnières , à savoir des herbacées annuelles (ex. Renouées, Bidens, Vergerette) et des ligneux (Saules, Bouleau, Aulnes).
  2. Puis de 2018 à 2022, progressivement, les herbacées annuelles, dont le cycle de vie est court, ont laissé la place à des plantes herbacées vivaces (Baldingère, Joncs, …) et aux arbres qui se développent. Ce type de végétation pérenne possède un système racinaire plus dense et profond, qui reste en place au fil des saisons.
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Processus de recolonisation des berges de la Sélune par la végétation : Passage d’une phase pionnière à une phase marquée par la présence de plantes pérennes et de ligneux (Figure: E.Lanoe) © Elven Lanoë

Au cours de ces deux phases, des espèces rares, protégées ou patrimoniales à l’échelle de la Normandie et caractéristiques des zones humides, se sont développées sur plusieurs secteurs. Parmi elles, on retrouve 3 espèces protégées (Limoselle aquatique, Léersie faux-riz, Scirpe à épis ovales) et 6 espèces d’intérêt patrimonial (de statut “vulnérable” à “quasi menacée“) telles que l’Elatine à six étamines ou l’Oseille maritime.

Une recolonisation influencée par les actions humaines

Les berges et versants de la vallée de la Sélune sont très différentes d’une zone à l’autre, longitudinalement, depuis l’amont jusqu’à l’aval mais également, latéralement, depuis la limite de l’ancien lac jusqu’à l’actuel chenal. Notamment, les différences de pentes, de substrats, de forme et de type de berges influencent fortement la végétation. Ces différences peuvent être naturelles ou liées aux actions humaines, en particulier les travaux réalisés dans le cadre de l’effacement des barrages.

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Photos illustrant l’influence du remaniement des berges sur la végétation. Des saulaies blanches colonisent les surfaces non remaniées pendant les travaux. © Elven Lanoë

Ainsi, les vidanges des lacs, les travaux de remodelage des berges, de stockages des sédiments ou encore des initiatives ponctuelles telles que le broyage de la végétation pour l’implantation de couverts semés, la mise en place d’un pâturage ou de fauche sur les berges ont largement conditionné la nature des plantes re-colonisatrices et les motifs de répartition de la végétation. Par exemple, des aulnes, arbres typiques de bords de cours d’eau, ont pu s’implanter sur les berges dès les premières phases de la vidange du barrage de Vezins qui s’est opérée sur plusieurs années. Ces arbres se retrouvent maintenant sur les pentes des versants exondés, parfois très loin du cours d’eau. Maintenus grâce aux sources et suintements de nappes perchées, leur survie à long terme n’est toutefois pas garantie, notamment dans un contexte de changement climatique. Leur présence dès le début de la recolonisation, a constitué un atout remarquable dans le maintien des sédiments grossiers, de surcroît dans des secteurs à très forte pente et peu fertiles. Ce fait singulier a également favorisé l’épanouissement d’une flore associée caractéristique (Laîche à épis espacée, Angélique des bois, …).

La nouvelle vallée de la Sélune semble avoir le potentiel pour évoluer vers un important réservoir de biodiversité végétale et animale sur le bassin versant. Cependant, chaque intervention mécanique sur la végétation en évolution replace la dynamique végétale à son point de départ. Elle retarde ainsi l’établissement naturel des arbres sur les bords de la rivière, et peut profiter aux espèces exotiques pouvant alors devenir envahissantes.

Qu'est-ce que cela implique pour les paysages de la vallée de la Sélune ?

La recolonisation naturelle par la végétation que nous observons actuellement sur les berges est riche, hétérogène et fonctionnelle.

  • Elle contribuera ainsi à améliorer la qualité de l’eau par la rétention d’eau dans les sols (zones humides) et son épuration (dénitrification notamment);
  • En régime de crue, elle permet de limiter les phénomènes d’inondation à l’aval et l’érosion des berges grâce aux réseaux racinaires des plantes et arbres.
  • De plus, les boisements ripariens permettent d’absorber une partie de l’énergie solaire et de fournir un ombrage limitant le réchauffement de l’eau du fleuve.
  • Il s’agit donc d’un facteur clé pour favoriser la biodiversité aquatique et terrestre de la Sélune.

Cette recolonisation, actuellement hétérogène, n’est pas encore terminée. A l’échelle de la vallée, si l’on s’attend généralement à une progression des boisements ripariens, les trajectoires d’évolution exactes restent majoritairement imprévisibles compte-tenu du caractère dynamique des vallées fluviales.

Voir aussi

Les suivis sur la recolonisation des berges par la végétation sont réalisés dans le cadre de l'Observatoire Sélune (suivis sur la végétation rivulaire) et dans le cadre de projets de recherche, comme le projet RESTAURE ou le projet SERIPAGE.

Les données utilisées pour la rédaction de cet article ont fait l'objet de rapports et publications que vous pouvez consulter et télécharger.