Vers une amélioration de l’état écologique du cours d’eau ?

Vers une amélioration de l’état écologique du cours d’eau après effacement des barrages de la Sélune ?

L’un des objectifs de l’opération d’effacement des barrages de la Sélune est de rétablir le bon état écologique du cours d’eau. Alors dans quel « état » se trouve la Sélune actuellement ?

Qu'est-ce qu'un cours d'eau en "bon état" ?

Un cours d’eau en « bon état » dispose d’une eau en quantité et en qualité suffisante pour abriter une vie animale et végétale riche et variée. D’après les agences de l’eau, en France en 2015 : 62% des cours d’eau étaient considérés en bon état chimique, 44,8% des cours d’eau étaient considérés en bon état écologique et 69,1 % des masses d’eau souterraine étaient considérées en bon état chimique.
C’est la directive cadre sur l’eau, signée en 2000, qui définit, et fixe les objectifs et méthodes pour atteindre le bon état des eaux. La DCE incite notamment à ce que l’ensemble des cours d’eau et nappes souterraines atteignent un bon état écologique d’ici 2027.

  • L’état chimique d’un cours d’eau est évalué selon des normes de qualités environnementales (NQE) et le respect de valeurs seuils (état : ‘bon’ ou ‘pas bon’). Plusieurs substances comme les métaux lourds, les pesticides, PCB, hydrocarbures, etc., sont suivis pour établir cet état chimique.
  • L’état écologique d’un cours d’eau est évalué par le suivi de la structure et du fonctionnement des écosystèmes aquatiques associés au cours d’eau. Des indices de qualité sont déterminés selon des critères biologiques (espèces bio-indicatrices), hydro morphologiques et physico-chimiques. L’état écologique est déterminé par l’écart entre l’indice de qualité et les conditions de références du type de cours d’eau (état : ‘très bon’, ‘bon’, ‘moyen’, ‘médiocre’ et ‘mauvais’).

Cet article et les résultats présentés ici concernent uniquement l’évaluation de l’état écologique de la Sélune.

Dans quel état écologique se trouve la Sélune actuellement ?

Avec les barrages, en été, il était commun d’observer des blooms d’algues toxiques qui entraînaient l’interruption – par arrêté préfectoral – de la baignade et d’autres activités de loisirs dans les lacs. Ces blooms étaient le résultat d’une eau chargée en éléments nutritifs, qui stagne, et qui se réchauffe en été. De plus, le silure avait été introduit par l’homme pour la pêche dans les lacs et avait prospéré, devenant l’espèce majoritaire au détriment des autres espèces de poissons. L’écosystème aquatique des réservoirs était alors instable et peu résilient, c’est-à-dire peu propice à supporter des étés de plus en plus chauds, comme il en survient avec le changement climatique. La suppression des barrages a immédiatement stoppé le problème des blooms estivaux de cyanobactéries.

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Photographies de blooms de cyanobactéries observés lors des campagnes d’échantillonnage en 2015 (gauche) et 2016 (droite) - photos: Piscart et al. 2018 © Christophe Piscart et al

Le réchauffement de la masse d’eau dans les lacs se traduisait aussi par une augmentation des températures de l’eau par rapport à l’amont des lacs. Après l’effacement des barrages et la disparition des lacs, la température de l’eau enregistrée au Pont de Signy,à l’aval, était d’environ 2°C plus fraîche durant la période la plus chaude en été 2022, comparativement aux années antérieures. Le taux d’oxygène dans l’eau est inversement relié à la température. Une eau plus fraîche est donc plus oxygénée et favorable à la faune aquatique.

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Evolution de la température à l'amont et à l'aval des barrages avant (2015) et après (2022) leur effacement. L'écart de température entre l'amont et l'aval (2°C env.) a disparu. © Observatoire Sélune

Ce changement est important car il s’agit là de conditions essentielles d’amélioration de la qualité du milieu qui favoriseront l’établissement et le retour d’espèces sensibles et clés pour la stabilité du nouvel écosystème de la Sélune.

C’est notamment le cas pour les invertébrés aquatiques, qui sont les larves de nombreux insectes. Vivant sur le fond de la rivière, ils sont des bio-indicateurs de qualité écologique du milieu. Sur la Sélune, ces invertébrés aquatiques sont suivis depuis plusieurs années dans différentes stations situées dans les anciennes retenues, à l’amont et à l’aval des barrages, afin de comprendre leur évolution et de calculer un indice de qualité : l’I2M2. L’I2M2, pour Indice Invertébrés MultiMétrique, intègre l’écart de situation entre les conditions de référence du cours d’eau et plusieurs mesures de structure et de fonctionnement des invertébrés aquatiques. Sur la Sélune, l’I2M2 montre une amélioration progressive dans les stations de l’ancienne retenue de Vezins après vidange. La qualité du milieu est passée de mauvaise (année suivant la vidange et les travaux sur les sédiments) à moyenne en seulement 3 à 4 ans, pour atteindre un niveau identique à celui de l’amont des anciens réservoirs.

Evolution de l'I2M2 pour les invertébrés aquatiques sur les 5 stations suivies sur la Sélune.
Evolution de l'I2M2 pour les invertébrés aquatiques sur les 5 stations suivies sur la Sélune. © Observatoire Sélune

Ceci témoigne d’une colonisation rapide de la nouvelle rivière par les invertébrés aquatiques, notamment des espèces d’invertébrés sensibles aux polluants et à l’oxygène. Le même schéma est en train de se produire pour la rivière à l’emplacement de l’ancien réservoir de La-Roche-Qui-Boit, suite à la vidange terminée en 2022. D’autres bio-indicateurs, comme les biofilms photosynthétiques, montrent également des tendances d’évolution positive, ou présentent un temps de réponse plus long. Il est donc important de continuer à suivre ces indicateurs dans les années à venir.

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Exemples d'invertébrés aquatiques sensibles retrouvés dans les stations de l'ancienne retenue de Vezins - photos: T.Beauverger © Thibaut Beauverger

Voir aussi

Les suivis sur la température de l'eau et sur les invertébrés aquatiques sont réalisés dans le cadre de l'observatoire Sélune.

Les données utilisées pour la rédaction de cet article sont disponibles sur SISélune.