Des saumons équipés pour suivre leurs déplacements dans la vallée de la Sélune

Des saumons équipés pour suivre leurs déplacements dans la vallée de la Sélune

Des saumons équipés pour suivre leurs déplacements dans la vallée de la Sélune

Depuis 2019, dans le cadre du projet de recherche sur l’utilisation des habitats par le saumon atlantique (Salmo Salar), Émilien Lasne et ses collègues capturent des saumons pour les équiper d’émetteurs radio.

Les saumons sont des poissons migrateurs amphihalins qui naissent en rivière, rejoignent la mer pour se nourrir et grandir durant 1 à 2 ans, avant de retourner en rivière pour se reproduire et mourir. Cette migration a lieu, selon les individus, du printemps à l’été. Ils quittent ainsi le milieu marin pour achever leur cycle de vie dans l’eau douce des rivières. Avant de trouver des partenaires et des zones propices à la reproduction (les frayères), les saumons se reposent dans les zones profondes et fraîches des rivières jusqu’à l’automne où ils reprennent leur remontée. Sous nos latitudes, la période de reproduction du saumon a lieu entre fin novembre et début janvier.

Équiper des saumons?

C’est lors de leur remontée en rivière, en été, que des géniteurs de saumon - en âge de se reproduire - sont capturés. L’idée est d’équiper ces saumons d’émetteurs radio permettant de suivre leurs déplacements et de savoir dans quelles rivières ils vont se reproduire en utilisant un protocole de suivi par télémétrie. Les saumons équipés sont suivis avec des récepteurs radio mobiles ou fixes répartis le long du cours d’eau.

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Antennes fixes (à gauche) et mobiles (à droite) déployées sur la Sélune et ses affluents pour détecter le passage des saumons équippés de radio-emetteurs - crédit photo: Emilien Lasne

La capture se fait dans l’estuaire de la Sélune, au Gué de l’épine, de nuit. Un filet barrage est installé en travers de la rivière pour diriger les saumons vers un carrelet (filet de pêche en forme de nappe carrée). Les équipes scientifiques patientent en suivant le mouvement des poissons grâce à une caméra acoustique placée devant le carrelet. Dès qu’un saumon est aperçu à la caméra sur le carrelet, celui-ci est soulevé. Le saumon capturé est alors anesthésié puis manipulé délicatement par les scientifiques pour le mesurer, le peser, et réaliser des prélèvements (ADN, écailles). Le saumon est ensuite équipé d’un émetteur radio qui enregistre les accélérations des poissons, ainsi que la pression (qui sert à estimer la profondeur) et la température. L’émetteur est inséré directement dans l’estomac du poisson car un saumon qui remonte en rivière pour se reproduire ne s’alimente plus. La présence de l’émetteur dans son estomac ne le gêne donc pas, ou peu.

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Filet barrage mis en place dans la zone estuarienne pour capturer les saumons qui remontent en rivière. En bas à droite: insertion de l'emetteur radio.

Après avoir équipé le saumon, l’équipe scientifique attend que l’effet de l’anesthésie se dissipe pour relâcher le saumon au-dessus du piège et le laisser poursuivre sa remontée. Tous les ans, depuis 2019, une trentaine de géniteurs sont capturés et équipés d’émetteurs. En 2022, année particulièrement chaude et sèche, ils n’étaient que 18. Cette année, en 2023, 27 saumons ont été équipés et sont actuellement suivis dans la Sélune.

Après la reproduction, ou parfois dès l’été ou l’automne, quand des poissons meurent prématurément, un travail méticuleux de récupération des émetteurs se met en place. Certains émetteurs sont récupérés dans l’eau, d’autres dans les carcasses des poissons morts après la fraie, ou encore grâce à la collaboration des pêcheurs qui auraient pêché un saumon équipé.

Où vont les saumons sur la Sélune?

Après leur remontée dans la zone estuarienne de la Sélune, les saumons passent l’été au niveau de Ducey et dans les zones basses du bassin versant. Ils attendent ici les augmentations de débit à l’automne pour entamer l’ultime migration vers les frayères, plus en amont, et doivent conserver leurs forces. Ils remontent alors les affluents, ou font demi-tour pour remonter un autre fleuve de la baie du Mont Saint-Michel, à la recherche de partenaires et de frayères pour se reproduire. Jusqu’à présent, ces déplacements étaient limités sur la Sélune. Les saumons étaient cantonnés à la partie aval du bassin versant car les barrages étaient infranchissables. Ils se reproduisaient principalement sur l’Oir, le Beuvron ou même dans les rivières voisines de la baie.

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Déplacement d'un saumon marqué en 2020 (avant effacement de LRQB) lors de sa remontée sur la Sélune. Cet individu femelle, âgé de 2 hivers de mer est rester sur la Sélune à l'aval des barrages.

Depuis 2022 et le début des travaux de démantèlement de la Roche-Qui-Boit, certains saumons ont commencé à explorer la partie amont du bassin versant de la Sélune. Parmi les 18 saumons équipés en 2022, deux géniteurs ont été détecté à l’amont des anciens barrages. L’un d’entre eux est resté au niveau de Lapenty, à plus de 20 km à l’amont de La-Roche-Qui-Boit, et ce pendant toute la période de reproduction. Les données enregistrées par l’émetteur révèlent une activité intense fin décembre qui pourrait correspondre à une activité de reproduction.

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Déplacement d'un géniteur de saumon mâle en 2022. L'individu a été marqué le 12 juin 2022, il a pu franchir la zone des anciens barrages et rester à l'amont pendant la période de reproduction

Les suivis de l’Observatoire sur les zones de frayères potentielles qui seront réalisés en septembre et octobre 2023 nous permettront de savoir si des saumons se sont oui ou non reproduit à l’amont des barrages à l’hiver 2022-2023.

Les saumons de la Sélune: une population à l'échelle de la baie du Mont Saint-Michel

L’une des grandes questions autour du retour du saumon sur la partie amont de La Sélune concerne son retour vers sa rivière natale. Les saumons étant absents depuis plus d’un siècle à l’amont des barrages, comment donc expliquer leur retour tant attendu, dans ces zones ?

Les saumons que l’on retrouve sur la Sélune font partie de la population de saumons de la Baie du Mont Saint-Michel. Cette population est née dans les rivières qui se jettent dans la baie, comme la Sée, le Couesnon ou la Sélune ou dans leurs affluents accessibles comme l’Oir ou le Beuvron (pour la Sélune). Il ne s’agit donc pas ici d’une seule rivière natale vers laquelle les saumons peuvent retourner mais de plusieurs. Les saumons de la baie du Mont Saint Michel retournent vers les rivières de la baie grâce à leur capacité à reconnaître leur lieu de naissance (pour en savoir plus : consultez cet article de l'observatoire des poissons migrateurs de Bretagne). De nombreux géniteurs de saumons sont également des explorateurs, qui remontent dans de nouvelles frayères et permettent de coloniser de nouveaux habitats. Sur la Sélune, deux types de colonisation sont donc possibles : le retour des poissons de la baie du Mont Saint-Michel vers leur(s) rivière(s) natale(s), ainsi que l’arrivée de géniteurs explorateurs qui vont coloniser de nouveaux habitats.

L’équipe coordonnée par Émilien Lasne est actuellement mobilisée pour suivre les 27 géniteurs de saumons équipés cette année lors de leur remontée en rivière. Ce suivi par télémétrie, couplé à d’autres outils de suivi permettra de comprendre comment, à quelle vitesse et où les saumons se déplacent et se reproduisent dans la vallée de la Sélune.

Voir aussi

Pour en savoir plus sur le projet de suivi des saumons par télémetrie, consultez les pages dédiées à ce projet : en phase avant effacement, en phase après effacement.

D’autres outils et projets de recherche du programme scientifique Sélune permettent de suivre le retour du saumon dans la Sélune : Suivi par méthode ADNe, suivi par caméra hydroacoustique, pêches à l’électricité et suivi de frayères.

Date de modification: 14 septembre 2023 | Date de création : 14 septembre 2023 | Rédaction : L'équipe Sélune